POUR EN FINIR AVEC LA « NOSTALGÉRIE », UN RETOUR AU PAYS RÉUSSI

 

Nous étions 26 à prendre l’avion à Marseille, à Lyon et à Toulouse, ce 11 juin 2013, le jour où les contrôleurs du ciel commençaient leur grève et cela nous a seulement retardés. Nous nous sommes rejoints à La Sénia où nous attendait le car mis à notre disposition par l’agence Boumédienne (« Gharb Tour Travel ») d’Aïn Temouchent, qui a organisé nos excursions avec efficacité et souplesse, réorientant notre itinéraire selon les désirs du groupe, choisissant les lieux de nos repas de la mi-journée, restaurants à Oran ou à Tlemcen, ou les préparant, pour un pique-nique : barbecue à la pinède d’eucalyptus dominant la plage de Oued el Halouf ; méchoui, dans cette autre pinède entre Camerata et Béni Saf.

 

A verser aussi au mérite de cette agence :

- le chauffeur du car qui a fait notre admiration en nous transportant toute la semaine, à travers bouchons, embouteillages et circulation plus ou moins démente : ce type est capable de faire passer son car à travers les trous de souris les plus petits, sitôt que la conduite anarchique des auto-chtones veut bien en libérer un, dans des rues complètement obstruées, sans faire de la tôle ni écraser personne…

- notre guide, Saïd Mouas, qui a mis toute sa connaissance des lieux et de leur histoire, ancienne ou récente, mais aussi sa gentillesse, et sa bonne humeur au service du groupe, ajoutant sa convivialité à la nôtre, et multipliant les interventions pour satisfaire les désirs de chacun. Plus qu’un guide, un véritable compagnon de voyage !

- le personnel de l’hôtel Timgad à Oran où nous avons dormi et pris nos repas du soir, toute la semaine

 

Ce fut, autrement dit, un voyage réussi et tout le mérite en revient d’abord à Emilien Noiret (Baby), président de l’Amicale des Trois Marabouts, qui a eu l’idée de ce voyage et l’a organisé. Qu’il en soit mille fois remercié !

 

Nous étions originaires des Trois Marabouts pour beaucoup, mais aussi d’Aïn Temouchent, d’Oran, de Bel Abbes, et nous venions retrouver le village ou la ville qui fut berceau de notre enfance, nos maisons, parfois nos fermes, nos écoles, collèges et lycées et les lieux chers à nos souvenirs, les rues, les plages, boutiques, monuments, etc.

 

Certain(e)s, né(e)s en France, accompagnaient époux ou parents et découvraient avec plaisir le pays dont elles/ils avaient tellement entendu parler…

 

Pour les autres, cinquante ans avaient passé, et c’était une redécouverte.

 

Que de joie et d’émotion à revoir les lieux de notre enfance et de notre jeunesse !

 

Nous avons vu combien ce pays avait changé. Certains lieux urbains ou ruraux n’étaient plus les mêmes que dans nos souvenirs.

 

Mais c’est le plaisir d’un accueil chaleureux qui l’emporte, et de loin !

« Soyez les bienvenus » - avec les variantes « Soyez les bienvenus chez nous », « vous êtes chez vous » - est la phrase rituelle que nous avons le plus entendue. Et quelle joie, quelle émotion de voir s’ouvrir les portes : celles de la mairie de Sidi Ben Adda (ex Trois Marabouts) où une petite réception dans la salle des mariages a officialisé notre arrivée avant que chaque famille aille retrouver « sa » maison.

 

Là encore, portes ouvertes, l’accueil a été cordial, voire chaleureux. Emotion forte de retrouver la maison mère de toutes les joies, les chagrins, les jeux et les peurs de l’enfance, de voir les changements, la réorganisation des intérieurs, redistribués, réaménagés à l’orientale, de parler avec les nouveaux habitants…

 

Les écoles aussi étaient ouvertes : celle des Trois Marabouts, où tout, semble-t-il, est resté comme avant, la cour, les arbres, les classes, les tables, même !... ou celles du lycée Lamoricière à Oran, rebaptisé Pasteur, et en instance de rénovation : le proviseur a répondu à notre curiosité jusqu’à se rendre disponible pour rejoindre notre groupe ultérieurement.

 

Nous avons retrouvé des camardes d’école ou des amis de jeunesse perdus de vie depuis un demi-siècle, et rafraîchi notre mémoire avec eux.

 

Bien sûr l’église des Trois Marabouts, comme tant d’autres, est devenue une mosquée… et le foyer rural qui servait de cinéma a été, comme la cathédrale d’Oran, reconverti en bibliothèque…

 

Bien sûr, l’abandon de certains cimetières donne une impression de désolation mais celui d’Aïn Temouchent est impeccablement entretenu…

 

Toutes les transformations ne sont pas négatives. Les vignes sont rares mais les champs de blé abondent et sous le soleil d’Algérie, c’était déjà les moissons.

 

Que de constructions nouvelles, des quartiers entiers où les immeubles ont poussé ! À Sidi Ben Adda, il y a maintenant un collège, un lycée ! Et que dire de ce réseau routier fortement rénové, comme en témoigne l’autoroute qui traverse tout le littoral algérien du Maroc à la Tunisie !

 

Un pays qui se reconstruit ! Il a encore beaucoup à faire pour devenir « touristique » mais cela va venir…

 

Et puis, c’est la même terre, avec sa rudesse et sa générosité, vallonnée, ravinée, le même soleil, la mer toujours aussi belle, aussi bonne, aussi bleue, les plages, les arbres au tronc blanchi à la chaux, ficus, faux poivriers, mûriers, eucalyptus, les odeurs, les fleurs, les bougainvilliers… et les figues, fèves, amandes, abricots, les poissons sur les marchés…

 

Nous avons sillonné l’Oranie pendant huit jours. Fait la conversion des euros en dinars et inversement mais aussi des noms de lieux : Oued Hallouf/ El Hilal, Trois Marabouts/ Sidi Ben Adda, Rio Salado/El Melah, etc., mais aussi Lycée Lamoricière/ Lycée Pasteur !

 

Nous avons savouré les retrouvailles (tout nous semblait plus petit que dans nos souvenirs mais nous avons compris : nous sommes grands, maintenant ; c’est quand on est petit que l’on voit tout en grand !), comme les découvertes : Tlemcen,notamment, la merveille, avec les ruines de Mansourah, ses musées, son Mechouar, sa Médina.

 

D’Oran à Aïn Temouchent et Sidi Ben Adda en passant par Rio Salado, Lourmel, Boutlélis, etc, à travers les plages (Oued Halouf, Camérata (Sidi Djelloul), Turgot (Terga) et les Andalouses, Clairefontaine, la Corniche oranaise, et puis la visite de Tlemcen, l’arrêt trop rapide à Sidi Bel Abbes ou à Béni Saf, les rues et les places d’Oran, la rue d’Arzew, le Front de mer, Santa Cruz …

 

Nous avons pris des milliers de photos… Et du bon temps !

 

Le 18 juin, - Ah, le rappel du 18 juin ! - nous avons repris l’avion (« on va être rapatrié une deuxième fois », a dit l’un d’entre nous) avec l’impression ravivée que notre patrie est double. « Là-bas » et « ici » peuvent se rejoindre. Ce voyage en est la preuve !

 

A l’aéroport d’Oran, on nous a confisqué les bouteilles de sable ou les galets que certains d’entre nous voulaient rapporter dans leurs valises, mais l’air du pays, ce soleil et ces regrets au cœur, cette envie à la fois de tirer un trait sur la désunion et de repartir, enrichi doublement, personne n’a pu nous empêcher de les ramener.

 

Pierre Bastide